Bohane, sombre cité – Kevin Barry

barry bohane sud

City of Bohane, 2011. Traduit de l’anglais par Pierre Girard, Martin Tatum. Actes Sud, 2015.
— Récompensé par l’IMPAC Dublin Literary Award en 2013 —

Présentation de l’éditeur : 2053. Loin de sa grandeur d’autrefois, la ville de Bohane, sur la côte ouest de l’Irlande, est à genoux, gangrenée par le vice et partagée selon des lignes tribales. Des poches bourgeoises subsistent, mais c’est dans les bas-fonds et les arrière-cours de Smoketown, dans les tours du quartier de Northside Rises et les sinistres marais du Big Nothin’ que bat le coeur de la cité.
Pendant des années, Logan Hartnett, le boss du gang Hartnett Fancy toujours tiré à quatre épingles, a maintenu la ville sous sa poigne. Mais le vent de la discorde se lève : on raconte que son vieil ennemi est de retour en ville ; ses fidèles hommes de main commencent à faire preuve d’ambition ; et sa moitié voudrait qu’il raccroche et file droit… Tout ça sans compter sa mère.

Ma chronique :

Bohane, sombre cité se passe en 2053, mais ce n’est pas un livre de science-fiction ; plutôt un thriller déjanté à l’accent irlandais. Ce futur proche est en fait juste un prétexte pour bâtir une cité fantasmée (inspirée par Limerick, d’où est originaire Kevin Barry), perdue dans les brumes putrides de la rivière qui la traverse et des tourbières qui l’enserrent, égarée entre passé et demain, sagas légendaires et dystopie, Gangs of New-York et Sin City.

Bohane est comme un petit royaume coupé du reste du monde, peut-être la dernière cité sur terre depuis l’époque perdue, tant on y vit en huis clos, tellement tout y commence et s’y termine. Un point très étonnant, c’est l’absence totale de technologie dans ce roman. Pas un smartphone ni un ordinateur, pas une voiture. Tout le monde se déplace à pied, limite en train ou en tram. Dans Bohane, sombre cité, Kevin Barry a créé un monde noir et violent de personnages sapés, surprenants, un peu fous, qui n’arrêtent pas de parler et de lutter pour le pouvoir, dans un curieux mélange urbain de superstition crasseuse à tendance clanique moyenâgeuse, de visuels épurés de comics, de paysages désolés évoqués avec une puissance hors d’âge.

Ce premier roman de Kevin Barry est un livre atypique aux multiples références, inclassable et plein de paradoxes. Une écriture bouillonnante et une trame parfois un peu décousue, mais ce roman a quelque chose de vraiment attachant. Je ne l’ai pas lu très vite, et pourtant je me suis trouvée bien dans ces pages.

L’auteur : Né en 1969 (à Limerick, donc), Kevin Barry a également publié deux recueils de nouvelles. Son second roman, L’Oeuf de Lennon, vient tout juste de sortir en France chez Buchet-Chatel.

Extraits :

« Les mouettes de Bohane sont une bande de connasses analphabètes. Elles lui avaient cruellement manqué. »

« Le marais, ranimé, ouvrait avec voracité sa gueule à l’averse. »

« Les couleurs de Nothin’ fin décembre.
L’or tendre des roseaux desséchés – aussi pâle qu’une alliance.
Le reflet bleuâtre du mica sur les monticules rocheux – exactement le même que dnas les yeux des mouettes. Les violets qui font ressortir le jaune des ajoncs endormis. »

« Le vent, furieux maître des lieux, faisait partout régner sa loi, agressif comme une vieille putain à la gueule cassée. »

  15 comments for “Bohane, sombre cité – Kevin Barry

  1. 11 janvier 2017 à 7 h 52 min

    Je l’ai aussi dans ma PAL. Affaire à suivre. Le 2e m’intrigue mais je le lirai en VO. Sans doute que cela vaut le détour. ☺

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    • 2 février 2017 à 15 h 16 min

      Celui-ci en VO en tous cas il doit claquer au niveau écriture ^^

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      • 2 février 2017 à 17 h 26 min

        Oui !! Et tu as vu, quand le site du CCI fait la pub du bouquin sans citer la traductrice, bizarrement, on ne leur balance pas un sale message pas sympa. 🙂 Je ris encore du jeudi soir 🙂 🙂 .

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  2. 11 janvier 2017 à 17 h 34 min

    la langue âpre donne envie, les métaphores claquent en coup de fouet. On est pris tout de suite par les quelques extraits !

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  3. 11 janvier 2017 à 20 h 39 min

    Je suis assez attirée par ce que tu en dis, tout cela est très intrigant… Ce doit être une lecture assez dépaysante pour le coup.

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    • 2 février 2017 à 15 h 11 min

      Oui, dépaysante, c’est tout à fait un qualificatif qui se prête à ce roman 🙂

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  4. 11 janvier 2017 à 20 h 43 min

    Ce roman « visionnaire » a tout pour me plaire… merci

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  5. 12 janvier 2017 à 15 h 11 min

    A découvrir pour moi ! ça a l’air tentant. Bon après midi, merci du partage et Bisous bretons pour toi. 🙂 😉

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