A la Poursuite du Grand Chien Noir – Roddy Doyle

 

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Brilliant, 2014. Traduction : Marie Hermet ; illustrations : Chris Judge. Paru chez Flammarion Jeunesse le 2 septembre 2015.

Ma chronique :

J’ai terminé ce roman vendredi 13 en soirée, juste avant que ne démarre le cauchemar à Paris.

A la Poursuite du Grand Chien Noir est un roman jeunesse légèrement fantastique dont l’histoire se situe à Dublin, et qui aborde avec humour un sujet grave de société. Le tigre celtique a rugi durant quelques années glorieuses, puis la crise a tout balayé. Beaucoup de gens en Irlande ont perdu leur travail, leur maison, leur santé aussi : « Le Grand Chien Noir de la dépression avait envahi la ville de Dublin. […] C’était affreux d’observer sa façon de se fondre dans l’air et de se glisser dans les maisons. De voir comment il était capable de faire changer l’humeur, de tuer les rires et d’effacer les sourires sur des visages qui souriaient pourtant depuis toujours. Il savait aussi transformer les rêves les plus doux en cauchemars. »

Ce Grand Chien Noir a volé le cœur de Dublin, « le cœur à rire ».

Ce livre à l’humour omniprésent – cet humour irlandais que j’adore – et superbement illustré en noir et blanc, prend une plaisante dimension fantastique : les enfants de Dublin vont, aidés par les animaux de la ville, tous ensemble le temps d’une très longue nuit, se mettre en chasse de ce monstre.

« Et c’est alors qu’ils le virent. Un nuage. Un lourd nuage noir, très bas, plus bas que les toits des maisons, [qui] a la forme d’un chien. […] Plus il reculait dans la rue et plus sa forme de chien devenait visible. Deux triangles de brume sombre évoquaient des oreilles. »
« Il faisait froid. C’était un froid vivant, comme un animal invisible qui se frottait contre eux. »
« Le Chien venait à leur rencontre. Ses yeux étaient deux cavernes obscures. Aucune lumière à l’intérieur, pas la moindre étincelle. »

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Moi aussi vendredi soir, j’ai vu le Grand Chien Noir et j’ai senti le froid qu’il distille, un cousin peut-être : celui de la peur.

Ce Grand Chien Noir de la dépression à Dublin, seuls les enfants peuvent le combattre. Car ils sont le rire, l’espoir, l’avenir.
« — Vous voyez ? dit le rat. C’est pour ça que le Grand Chien Noir vous déteste.
— Mais pourquoi ? demanda Alice.
Elle n’avait encore jamais parlé à un rat.
— Parce que vous êtes en train de rire quand vous devriez pleurer. »

A l’aide du mot magique « Génial ! », ils vont se battre contre la Bête. (Génial, « Brilliant » en anglais, qui est aussi le titre original de ce roman). « Génial », c’est le mot préféré de la ville de Dublin. Tout le monde là-bas dit Génial, tout le temps, « au moins vingt-sept fois par jour ». Mais les dublinois avaient-ils déjà remarqué qu’en plus d’être un mot « vraiment chouette, [qui crépite] en sortant de la bouche », « Génial » a aussi des pouvoirs magiques ? C’est Gloria qui le réalise la première, en traversant une ruelle obscure avec son frère Simon, au tout début de leur escapade (eux, c’est leur oncle Ben qu’ils veulent sauver, sur les épaules duquel s’est assis le Grand Chien Noir quand il a perdu son emploi, puis sa maison) :
«  — Je pourrais marcher sur un truc dégueu.
— Géniaaal ! dit Gloria.
Le mot éclata au-dessus de leur tête et remplit le passage d’une douce lumière dorée, qui les fit sursauter. »

Tous ensemble ils vont vaincre le Grand Chien Noir.

Alors nous aussi utilisons la recette de Roddy Doyle pour lutter contre tous les Grands Chiens Noirs ! En ces jours sombres mes amis, tous ensemble fraternisons, rions, et découvrons les pouvoirs magiques du mot Génial ! Géniaaal ! GENIAL !!!

Car oui en un mot ce livre l’est ; génial !