Johannesburg – Fiona Melrose

Johannesburg, 2017. Traduit de l’anglais (Afrique du sud) par Cécile Arnaud. Éditions La table Ronde, coll. Quai Voltaire, janvier 2020 ; 305 p.

Ma chronique (Rentrée hiver 2020, 2) :

« La poussière et la fumée en provenance des Townships flottaient bas sur l’horizon, et le ciel touché au coeur dégoulinait de pourpre. »

Le 6 décembre 2013, Johannesburg se réveille le cœur gros : Nelson Mandela vient de mourir.  Madiba. Tata. Le père de la nation. C’est cette journée pas comme les autres que raconte Fiona Melrose dans son deuxième roman, vingt-quatre heures dans la vie de la métropole sud-africaine et d’une dizaine de personnes. Il flotte dans Johannesburg un indéniable parfum de Virginia Woolf, de Mrs Dalloway. Ce roman choral est porté par des voix blanches, noires, riches, pauvres. Des portraits nuancés tissés avec finesse, tendresse, cruauté, qui racontent la société sud-africaine.

Miroir à facettes où chacun se reflète dans l’autre, mélange d’introspection et d’écoulement des heures. La disparition du grand homme a laissé en tous une profonde tristesse. Nkosi. Qu’il soit béni.

Deux figures centrales à ce récit, Gin et September, qui oscillent entre ombre et lumière. Elle, artiste plasticienne exilée depuis vingt ans à New-York, tout juste rentrée pour organiser une fête pour les quatre-vingt ans de sa mère, Neve. Lui, un sans-abri défiguré par les forces de l’ordre lors de la répression d’une grève. Depuis, tous les jours il manifeste devant le siège de la société minière qui l’employait, en réclamant justice. Gin et September sont au cœur de la ville, de sa violence et de son éclat, et autour d’eux, une mère, un amoureux éconduit, une sœur, un ami, un lien, la société, passé et avenir, leurs vies, leurs aspirations, leurs craintes. Chacun combat ses propres démons, sur le fil de la raison et des non-dits.

La polyphonie et la construction du texte sont d’une grande maîtrise. Fiona Melrose a la grâce et la puissance d’une vraie magicienne, des mots et de l’âme humaine (et la traduction de Cécile Arnaud est au diapason, lumineuse). Johannesburg est un roman qui laisse des traces (et qui m’a donné envie de relire Mrs Dalloway).

« Parce qu’un homme n’a plus de barrière protectrice une fois que son âme commence à se déchirer et à s’effilocher. »

★★★★★★★★☆☆

Le premier roman de l’auteure, Midwinter, est chroniqué sur le blog [par ici].

  13 comments for “Johannesburg – Fiona Melrose

  1. 28 janvier 2020 à 6 h 12 min

    Maiiiiis ! Je viens de le recevoiiiiiiir ! (Mais je finissais Jours d’huver de Bernard Maclaverty..

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  2. 28 janvier 2020 à 10 h 11 min

    Et cela est-il gênant si on n’a pas lu Mrs Dalloway ?

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    • 28 janvier 2020 à 12 h 03 min

      Ah non, pas du tout ! Les clins d’oeil feront plaisir aux amateurs, c’est tout 🙂 Globalement il y a de nombreuses références à Virginia Woolf, Fiona Melrose explique en remerciements qu’elle l’accompagne depuis toujours. Perso j’ai lu Mrs Dalloway il y a perpète, mes souvenirs en sont très vagues.

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  3. 28 janvier 2020 à 17 h 29 min

    noté! le thème me tente énormément pour Madiba, pour l’Afrique du Sud »
    je lirai peut-être Mrs Dalloway » avant car il prend toujours la poussière dans ma PAL et là, plus d’excuse 🙂

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    • 28 janvier 2020 à 21 h 12 min

      Oh, chic, on pourrait faire une lecture commune de Mrs Dalloway si tu veux ? Ce sera une relecture pour moi, mais bon 😋

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  4. ramettes66
    28 janvier 2020 à 20 h 40 min

    Coup de cœur pour moi. Il y a une telle tension dans le texte qu’on dirait qu’on va être en apnée.

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    • 15 février 2020 à 15 h 33 min

      Oui, j’ai ressenti aussi cette tension à la lecture, quel talent, comme un orage grondant au loin et qui rend l’air plus compact, plus oppressant.

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  5. 29 janvier 2020 à 13 h 49 min

    Merci Hélène 🙏
    C’est tout à fait le genre de roman que je recherche en ce moment. J’ai hâte de le lire.😙

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  6. 3 février 2020 à 17 h 51 min

    J’ai eu du mal à entrer dedans. Ça commence assez lentement, au milieu des agapanthes et des tisserins. Mais quelle belle progression. Finalement j’ai adoré

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    • 15 février 2020 à 15 h 31 min

      Je suis pour ma part entrée tout de suite dedans, mais j’ai ressenti également la progression dont tu parles, comme une tension dans l’air. Heureuse qu’il t’ai plu !!! 😀

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