Mémoires de Porcelaine #1 : Liam O’Flaherty

Cette année, je fête mes vingt ans de passion irlandaise. Pour célébrer ces « noces de porcelaine », je suis partie en exploration dans mes archives, et j’ai bien ri en lisant mes avis de lecture de l’époque. C’était souvent minimaliste, comme pour Les Hôtes de la Nation de Frank O’Connor, recueil de nouvelles lu en 1997 : « De très bonnes nouvelles » (haha), Le Monde d’or de John Banville, lu en février 1998 : « Livre loufoque, non sans intéret » (mais encore ?) ou Lignes de Fond de Neil Jordan (lu en février 1998 également) : « Contexte historique passionnant » (ouinnnn).

Heureusement parfois c’était un peu plus étoffé, par exemple pour Gens sans Terre de Julia O’Faolain, lu en mars 1998 : « Très bon livre. L’histoire se répète, des personnages différents, à des époques différentes, font les même « erreurs » ; à relire », ou pour Du Muesli à Minuit d’Aidan Mathews (mars 1998 aussi) : « Livre loufoque, pas mal du tout. Deux jeunes traversent l’Irlande à vélo avec sur leur porte-bagages le squelette d’un évêque ». Et froidement lapidaire pour le recueil de nouvelles Petits bavardages sans Importance d’Elizabeth Bowen, lu en 1996 « Franchement, j’aime bien les nouvelles, mais là, souvent on se demande qu’est-ce qu’elle veut raconter, où elle veut en venir. » (tout était peut-être dans le titre ?)

J’ai tout de même repêché quelques avis qui me semblent tenir un peu la route, si ce n’est par leur contenu, leur pertinence ou leur cocasserie, tout au moins me permettront-ils de témoigner ici de riches lectures irlandaises passées.

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Ce soir, en hommage aux cent ans de l’insurrection de Pâques 1916, j’inaugure ces Mémoires de Porcelaine avec Liam O’Flaherty, dont j’ai lu deux romans et une nouvelle.

liam o flaherty

(1897 -1984)

Liam O’Flaherty (de son nom de baptême Gort na gCapall) est né à Inishmore, la plus grande des îles d’Aran (Comté de Galway). Il étudia au séminaire puis, renonçant à se faire ordonner prêtre, à l’University College de Dublin. En 1915, il s’engagea dans les Irish Guards. Il combattit en Belgique, où il fut grièvement blessé, à Langemark. Démobilisé, il regagna l’Irlande – alors en pleine guerre civile ; il se plaça du côté républicain – puis, après sa guérison, partit pour Londres. Il exerça divers emplois modestes, voyagea et milita dans les rangs des syndicats ouvriers. Ce fut un communiste actif. En 1920 il participe au dernier épisode de la guerre civile. C’est un échec (temporaire, puisque l’Irlande sera déclarée indépendante en 1921) : Liam O’Flaherty doit fuir à Londres.

Ses œuvres, écrites en anglais et en irlandais, sont caractérisées par leur naturalisme austère, par leur analyse psychologique fouillée et leur puissance dramatique. Il n’a guère utilisé dans son œuvre romanesque les nombreux décors qu’une vie de voyages et d’aventures aurait pu lui fournir en abondance : il n’a parlé que de l’Irlande, des îles d’Aran et de Dublin. Il a dit et redit sans cesse les même mots, qui sont ceux de ses titres et qui peuvent servir à définir son inspiration. C’est le poète des nuits révolutionnaires de Dublin, l’historien des famines du 19ème siècle, le peintre de quelques caractères violents.

Tous ses livres traduits en français sont sur Librairie Compagnie.

Mes lectures :

• Skerrett (Skerrett, 1932)

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Traduit par M. Horel, Paris, Delamain et Boutelleau, 1948 ; réédition, Paris, J. Picollec, coll. « Bibliothèque celtique », 1981

-Lu en février 2001-

Mon avis : « Très bon livre, sur la vie dans les îles d’Aran à la fin du 19ème siècle. Ca m’a fait penser à « Vingt ans de jeunesse », de Maurice O’Sullivan, avec les Curraghs, la misère qui reste joyeuse, mais ce livre est mieux écrit, Liam O’Flaherty a des choses à dire sur la politique, la religion, la société, c’est parfois paradoxal, mais toujours intéressant.

• Insurrection (Insurrection, 1950)

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Traduit par Jacques Papy. Calmann-Lévy, 1953 ; réédition, Paris, LGF, coll. « Le Livre de Poche » no 2012, 1966 ; réédition dans une nouvelle traduction par Isabelle Chapman, Paris, Joelle Losfeld, 1994 ; réédition, Paris, Payot & Rivages coll. « Rivages poche » no 454, 2004

-Lu en octobre 2003-

C’est son dernier roman. Les nations n’ont pas de tendresse pour les vainqueurs, mais le temps aurait peut-être apaisé les rancoeurs de l’Irlande définitivement conquise par l’Angleterre au 14ème siècle si, deux cents ans plus tard, le roi Henri VIII n’avait rompu avec la Papauté et instauré l’Anglicanisme. Demeurée catholique, l’ïle rebelle prend parti pour les souverains catholiques Stuart et paie cher sa fidélité.
L’excès de misère et de servitude où les Irlandais sont réduits fait éclore des mouvements nationalistes. De siècle en siècle, la lutte s’intensifie. Appuyant l’action des fenians, l’organisation terroriste du Sinn-fein multiplie les attentats et les tentatives de soulèvement.
Insurrection est le récit du coup de main déclenché à Dublin le lundi de Pâques 1916 tel que l’a vécu jusqu’à son échec le jeune Bartly Madden, entrainé malgré lui dans les rangs des patriotes. Autour d’eux s’agite une foule typiquement irlandaise – émotive, bavarde, versatile et rusée – qui donne ses dimensions tragiques à cet épisode de la longue bataille de l’Irlande pour sa libération.

Mon avis : C’est écrit comme un documentaire, on a l’impression d’y être, c’est précis, vrai. L’insurrection de Pâques 1916 à Dublin vue du côté du monsieur tout le monde qui y a pris part, d’heure en heure. Très intéressant.

[à écouter pour l’ambiance : la chanson Foggy Dew par The Dubliners. C’est ma version préférée.]

De lui j’ai également lu une nouvelle, en mai 2003, mais sans note de lecture :
• Le Franc-tireur (tirée du recueil spring sowing) [dans Trésors de la Nouvelle de la Littérature irlandaise, tome 2, éd. Les belles Lettres, 2002]

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A bientôt pour une nouvelle page de mes Mémoires de Porcelaine !

  2 comments for “Mémoires de Porcelaine #1 : Liam O’Flaherty

  1. 23 février 2016 à 12 h 32 min

    toujours un plaisir de te lire 🙂

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