La Faim blanche – Aki Ollikainen

Nälkävuori, 2012. Traduit du finnois par Claire Saint-Germain. Éditions Héloïse d’Ormesson, 2016.

Ma chronique :

Je ne suis pas passée loin du coup de cœur. La Faim blanche a été en tous cas un coup à l’estomac. Un récit dur, très dur même par moments. La beauté scintillante aux contours oniriques d’une gemme taillée dans le vif, dans laquelle l’âme humaine se reflèterait, peut-être.

Finlande, octobre 1867. L’hiver vient et une terrible famine s’abat sur le pays. Je savais déjà que ce milieu du dix-neuvième siècle avait été effroyable pour l’Irlande, pour la Suède aussi (je conseille la lecture de la magnifique Saga des émigrants du suédois Vilhem Moberg, à ce sujet). Mais la Finlande a également payé un bien lourd tribut à ce fléau.

Dans ce premier roman d’Aki Ollikainen, on va suivre les pas de Marja, obligée de quitter leur métairie de Korpela et de prendre la route avec ses deux jeunes enfants, Mataleena et Juho. Pas à pas dans la neige avec la faim, la peur et l’épuisement physique et moral au ventre ; de porte en porte, ouverte sur un bout de pain à la farine coupée d’écorce d’arbre, ou fermée avec agressivité au nez des mendiants ; de village en village, parfois dans un coin de traineau tiré par un cheval, souvent au milieu des congères. D’embûches en épreuves, Marja est portée par un espoir, celui de permettre à ses enfants de rejoindre Saint Pétersbourg, la ville du tsar où sûrement on ne connait pas la faim. « Son rire trace un chemin dans le désespoir gris. Au bout ne se trouve pas la mort blanche, mais le vert tendre du printemps pétersbourgeois. »

Le grand talent de l’auteur est d’alterner des chapitres sur Marja, Mataleena, Juho, la vie, la survie dans les campagnes, avec d’autres, plus courts, où parle « le sénateur », l’homme politique de la ville, le médecin. Ces apartés rythment le récit et lui donnent une profondeur frappante, rappelant à chaque fois au lecteur qu’il n’est pas dans un conte de Grimm, mais bien dans la vraie vie. Rappelant aussi que la faim n’est pas la même pour tous, et à quels débordements mènent une telle pénurie : brigandage, ferveur religieuse, folie ; à une prise de conscience des riches, même parfois. L’être humain, capable du pire comme du meilleur.

Un style très fort, sec mais souvent lyrique. Un roman marquant, très bien construit, où les visions et les cauchemars ont autant de corps que la réalité physique. Une grande tendresse sous-jacente, malgré tout. Une petite lumière à laquelle s’accrocher quand l’histoire est trop dure. Pour tout cela, c’est une lecture que je conseille.

« Quel mal t’avait-il fait, cet homme-là ? Je te crèverai les yeux, Satan, car c’est la seule façon pour que tu voies notre malheur ! »

Ce billet est ma première chronique pour le challenge Décembre nordique,
organisé par Cryssilda. Il me permet également de participer à l’Objectif PAL d’Antigone.

  19 comments for “La Faim blanche – Aki Ollikainen

  1. 3 décembre 2017 à 13 h 36 min

    Lu aussi! un joli texte … il manque un petit je ne sais quoi pour que ce soit parfait je suis d’accord avec toi mais ça reste une bonne lecture .

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  2. 3 décembre 2017 à 13 h 53 min

    je note! ma pauvre PAL:-)
    je n’ai pas encore lu « La saga des Émigrants » c’est le nombre de tomes qui me fait peur, l’idée d’y passer plusieurs mois

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    • 3 décembre 2017 à 20 h 21 min

      Hihi toi aussi tu mets à mal ma PAL régulièrement ^^ En poche chez j’ai lu ça fait 5 tomes. C’est copieux, surtout le premier si je me souviens bien, beaucoup de contexte historique, économique et religieux, mais ça se lit vraiment bien et c’est super intéressant. Les tomes suivants se lisent carrément vite, eux. Le deuxième c’est la traversée et les suivants aux États-Unis, on suit les différents personnages dans leurs nouvelles vies, dans l’est, l’ouest sauvage et beaucoup dans le territoire du Minnesota. C’est en lisant ces livres en 2004 que j’ai vraiment compris ce que pouvait représenter le rêve américain 🙂

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  3. 3 décembre 2017 à 14 h 35 min

    Tiens!? Pour quoi pas. Ca me tente.

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  4. cleanthe
    3 décembre 2017 à 18 h 18 min

    Je découvre cette littérature finlandaise. Je note ce titre dont tu parles très bien. Icath m’avait déjà donné envie de le lire. Tu finis de me convaincre. Je vais voir si je peux le trouver à la médiathèque.

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    • 5 décembre 2017 à 17 h 02 min

      Celui que tu as lu me tente vraiment bien aussi. Paasilinna, sinon, incontournable. Petits suicides entre amis, le lièvre de Vatanen… Un rapport au monde tout à fait étonnant.

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  5. rachel
    3 décembre 2017 à 18 h 52 min

    oh que cela doit etre fort comme recit..oh punaise….

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  6. 3 décembre 2017 à 20 h 04 min

    Je n’avais jamais entendu parler de ce roman, mais je le note, peut-être pour l’année prochaine. Ca a l’air passionnant et prenant !

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    • 5 décembre 2017 à 17 h 05 min

      C’est son premier roman, s’il en écrit d’autres je tenterai à nouveau l’aventure ! Moi aussi j’ai d’ores et déjà noté des titres pour ton challenge de l’année prochaine 😎😂

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  7. 3 décembre 2017 à 20 h 07 min

    Je ne savais pas qu’il y avait eu ce temps de famine. Ton billet rend bien ton émotion.

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  8. 9 décembre 2017 à 12 h 01 min

    Oui dis donc, voilà un roman qui semble bien intéressant !! J’ai peu lu sur cette période et cette famine, tu m’as donné envie d’en savoir plus.

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    • 15 décembre 2017 à 11 h 03 min

      J’en suis ravie ! La Finlande je ne connais vraiment pas. Jusqu’ici je n’avais lu que Arto Paasilinna je crois bien. Sinon, comme je le dis dans le billet, je conseille vivement la saga du suédois Vilhelm Moberg. Très complète 🙂

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