Un Parfum d’herbe coupée – Nicolas Delesalle

delesalle - parfum d'herbe

Éditions Préludes, 2015.

Ma chronique (initialement publiée le 29 janvier 2015 sur Babelio) :

« Mon arrière-petite fille ne connaîtra jamais les détails de ma vie palpitante à califourchon entre deux siècles. Et quand s’éteindra dans un râle terrible ou dans un petit hic silencieux la dernière personne qui aura entendu parler de moi, ça sera vraiment fini. Trois pelletées de terre sombre et puis basta. »

Cet homme, ce père, la quarantaine, décide d’écrire à une hypothétique future arrière-petite fille, qu’il baptise Anna (quel beau prénom), l’imaginant jeune fille (ses propres filles ont à peine dix ans). Lorsque cette Anna vivra, lui-même aura disparu du monde des vivants. « Quand tu poseras tes yeux sur ces lignes, ça sera à mon tour de me disperser dans le vent, la pluie, les saumons et le fromage. » Cette lettre-testament est un recueil de souvenirs articulé en chapitres parfois très courts. L’auteur se dévoile et se raconte au travers, au détour, de petits souvenirs ou de grands moments vécus enfant, d’instants de vie sauvés du temps, pépites restées intactes au cœur de la mémoire.

Ce genre d’exercice d’écriture est périlleux. On aurait pu s’ennuyer ferme, se perdre, ne pas y croire, se sentir voyeur ou décalé. Et bien il n’en est rien, au contraire : Nicolas Delesalle ici est virtuose. Il nous emporte dans son île aux enfants, et c’est vraiment du bon temps. Comment dire… Le rythme du récit est sans faute. Les souvenirs prennent corps à mesure dans un temps qui leur est propre, et pourtant on ne se perd jamais. C’est souvent drôle, parfois vraiment touchant. Le ton est toujours juste, et l’écriture, ah, l’écriture de Nicolas Delesalle est magnifique ! « Au plafond, un ventilateur antédiluvien tournait au ralenti et découpait de grosses tranches d’air tiède qui me tombaient sur le visage. » : en lisant cette première phrase du livre, j’étais déjà conquise.

Ces souvenirs ont réveillé les miens, et ça a été un coup de coeur. Finalement, j’aurais voulu que ce livre soit deux fois, dix fois plus long, pour ne pas avoir le regret de l’avoir déjà terminé.
… Mais grâce aux éditions Préludes et à Babelio, « Un Parfum d’herbe coupée » trône maintenant dans ma bibliothèque, et donc : je pourrai m’y replonger quand je veux ! Un grand merci.

Dernière minute :

delesalle 2Je viens de découvrir que le second roman de Nicolas Delesalle va paraître le 6 janvier 2016, Le goût du Large, toujours chez Préludes. Un roman qui semble lui aussi largement autobiographique, mais, plus centré sur ses souvenirs de grand reporter pour Télérama. Il avait effectivement évoqué ce projet lors de la rencontre-débat à laquelle j’ai eu la chance de participer début février dernier au chaleureux Thé des écrivains, à Paris. Nicolas Delesalle avait longuement discuté avec chacun d’entre nous. Sa grand-mère s’appelait Anna, comme la mienne ; un grand moment.
J’ai hâte de découvrir ce nouveau livre !

Extraits : 

« Ces livres labourèrent la terre dure de mon esprit vide, mais rien n’était encore semé sur ces champs désolés balayés par le souffle de l’aventure. »

« Moi, j’étais aussi désemparé qu’un poulpe devant une sarbacane. »

« Les adultes font souvent mine de s’étonner du désespoir baroque des adolescents, mais cet étonnement est un leurre, ils n’y croient pas eux-mêmes ; au fond, ils savent très bien à quel point c’est compliqué de se relever quand on tombe de son enfance. »

delesalle dédicace

(c) Lettres d’Irlande et d’Ailleurs

  4 comments for “Un Parfum d’herbe coupée – Nicolas Delesalle

  1. 6 décembre 2015 à 18 h 10 min

    Je le note, il a l’air de valoir le détour 🙂

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  2. 6 décembre 2015 à 20 h 00 min

    Je me rappelle que tu m’en as parlé. Je ne l’ai toujours pas lu, mais comme va probablement sortir en poche (vu qu’il y en a un autre en vue), ce sera l’occasion. Sans doute ce roman va-t-il aussi réveiller des souvenir en moi.

    Aimé par 1 personne

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