Le Soleil et la Source – Frédéric Musso (poésie)

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Editions la Table ronde, mars 2016.

L’auteur : Né en 1941, journaliste, essayiste, romancier, poète ; Frédéric Musso, passionné de poésie, en a une connaissance approfondie, précise et exigeante.

Présentation de l’éditeur :

« Parfois il faut choisir un mot comme on ajuste un tenon dans une mortaise », écrit Frédéric Musso. Artisan méticuleux, il dépose ces mots choisis sur l’établi. Il les hume et les caresse, les fait sonner haut et clair avant de les apparier. Des images se forment. Peu à peu, le poème prend naissance. Il le laisse reposer puis s’en empare à nouveau pour le polir avec ferveur.

« L’aube où des nuages trempent comme une main de fiancée dans le bleu d’un lac, la rêverie du marbre sous des cieux purs, le branle-bas des natures mortes. Ne te joue pas des lignes. Travaille-les dans le sens du fil. »

Lorsque l’épure, enfin, apparaît sous le polissoir, vient le temps de la jubilation :

« Tu fus quelques saisons avant que se déclenche la mécanique des corolles. Les poèmes sonnaient clair sous la marquise de la nuit. Des mots de compagnie rendus à la vie sauvage s’ébrouaient dans la blancheur du papier. »

Ma chronique :

Dans ce livre de soixante-dix poèmes en prose, Frédéric Musso nous mène et promène habilement au cœur de la vie et de la création. Le soleil et la source, quels processus précèdent et engendrent, d’où naissent et croissent un poème, une âme humaine ? Terrain propice, éclosion, étincelle, aisance, maturation ?

« Dégoupillées par jeu tes métaphores explosaient sur la crête des vagues. Des roses trémières faisaient feu de tout ciel. Le rayon vert s’épuisait dans un dédale de nuages et toi tu retrouvais le fil de ton poème. »

Quatre lignes par page, pour nous éblouir.

« Certains chantaient l’orage. D’autres murmuraient l’éclair. Ils croyaient que la musique décrit le monde. Toi tu faisais silence à chaque mot et le réel rendu à lui-même retrouvait la gloire des ciels de traîne. »

Frédéric Musso manipule les mots avec une dextérité saisissante, fantastique. Il joue avec leur sens, tous les sens, tant physiques que sémantiques, et ouvre ainsi le poème devenu vecteur, à l’univers tout entier. Le lecteur est acteur et va donner ses propres sens à ce qu’il lit. Sa compréhension s’en trouve élargie, débridée, vagabonde.

« Le songe à lunettes noires qui te visita au bord d’un sommeil de plumes. Des phrases de feu s’inscrivaient dans le ciel de lit. De quelle voie lactée surgissait le ciel indécis où tu poussas ton premier cri ? »

C’est presque du rêve au sens psychanalytique, cette voie royale menant à l’inconscient. Oracle ?

« Ne succombe pas aux mirages de la raison où l’ici ne donne plus le la. Prends du chant. Des allégories cognent aux fenêtres. On voit des caravanes qui se meuvent loin du désert et des chiens assis sur le toit du monde.

Et puis il y a les appendices, en fin d‘ouvrage ; le numéro (5) m’a tout particulièrement exaltée : « [Les menuisiers] parlent aussi du martyr, le bois qui sert de support à la pièce qu’on travaille afin d’éviter à l’outil de rencontrer du minéral. « Le martyr, m’a dit l’une d’entre eux, est un élément précieux qu’on range scrupuleusement parce qu’on ne peut rien faire sans lui. Il prend des coups de scie qui ne lui sont pas destinés. Alors que les ouvrages partent il reste à l’atelier, fidèle. On le reconnait d’un coup d’œil parmi les morceaux de bois entassés contre un mur. » De même les mots martyrs subissent ratures et autres offenses. Le poème achevé ils restent entre les lignes, fidèles, eux aussi, dans l’attente d’une autre poème. »

Tout au long de ces pages qui tournent plus ou moins vite ou s’en retournent au fil des lectures et relectures, je me suis régalée. Une superbe découverte, merci encore aux éditions la Table ronde.

« La claudication des âmes s’aggravait dans les flaques où s’abîme le plus profond de soi. Mirages. L’ombre du présent tremblait à chaque pas. Réel à ras de terre. De lents nuages flottaient à fleur d’eau. »

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D’autres extraits picorés :

« Un arbre aux poings dressés attendait la naissance d’une saison. »

« Un poète habile à la magie du verbe ; il avait la beauté du monde sur le bout de la langue. »

« Alchimie du verbe dont l’or est le silence. »

  8 comments for “Le Soleil et la Source – Frédéric Musso (poésie)

  1. 18 mars 2016 à 7 h 11 min

    Eh bien je me demande si je saurais chroniquer un recueil de poésie ! Pas gagné pour moi mais tu le fais avec talent !

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  2. Frédéric Musso
    25 mars 2016 à 18 h 28 min

    Je ne vous connais pas, ce qui ajoute à la fermeté de ma gratitude. Votre lecture est fine, pénétrante et ne peut venir que de quelqu’un qui en connaît un bout en poésie.
    Merci encore et recevez l’expression de mes meilleurs sentiments.
    Frédéric Musso

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  3. arbrealettres
    15 avril 2016 à 7 h 38 min

    Merci pour la découverte et bravo pour cette brillante analyse
    Quelle belle récompense (méritée) d’avoir un mot enthousiaste de l’auteur lui-même! 🙂
    Vive la Poésie!
    Ch Passeur de Mots
    🙂
    Blog de Poésie: http://arbrealettres.wordpress.com
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  4. MARYSE
    22 février 2019 à 20 h 23 min

    MERCI POUR CETTE BELLE PRESENTATION ! ET QUEL PLUS BEL HOMMAGE POURRIEZ-VOUS AVOIR QUE CETTE DELICATE ATTENTION DE FREDERIC MUSSO EN PERSONNE, CE QUI PROUVE,SI C’ETAIT ENCORE A PROUVER SA GENTILLESSE ET SA SA SENSIBILITE.

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