La Parole de Fergus – Siobhan Dowd

dowd fergus

Bog Child, posthume, 2008. Traduit de l’anglais (Irlande) par Cécile Dutheil de la Rochère. Éditions Gallimard Jeunesse, « Scripto », 2009.

Ma chronique :

Nous sommes en 1981. Fergus à 18 ans. Il court beaucoup, révise pour son examen d’entrée à l’université – trois B et il sera pris en Médecine, c’est le métier qu’il veut exercer depuis toujours – , il prend des leçons de conduite accompagnée avec son oncle Tally. Fergus a deux petites sœurs qu’il emmène parfois à la piscine, il aide sa mère quand elle en a besoin. Par hasard, il vient de découvrir un corps inhumé dans la tourbière, plus haut dans la montagne, parfaitement conservé, certainement une fillette ayant vécu à l’âge du fer… et la fille de l’archéologue chargée du dossier est séduisante en diable.

Fergus est un jeune homme bien, comme les autres, peut-être juste plus chouette que beaucoup. Il pourrait avoir une vie des plus classiques… Sauf qu’il vit en Irlande du Nord, non loin de la frontière avec la République d’Irlande, pendant les Troubles : son frère aîné Joe est emprisonné à Long Kesh, et entame une grève de la faim. Bobby Sands vient d’en mourir, après 66 jours sans se nourrir. Le gouvernement Britannique leur refuse le statut de prisonniers politiques (ils sont traités comme des prisonniers de droit commun), Margaret Thatcher, la Dame de Fer, ne cède jamais. Le circuit de jogging de Fergus, tôt le matin, l’amène à passer le poste frontière et il sympathise (en cachette, car cela pourrait lui coûter cher) avec le jeune gallois Owain, soldat de l’armée Britannique en faction. L’IRA provisoire l’approche habilement et sollicite son aide comme « passeur »… la retransmission télévisuelle du match de foot du vendredi soir est coupée par un flash annonçant un nouvel attentat à la bombe.

L’amour, la fraternité, trouver sa place, se réaliser… Comment vivre une vie normale quand le destin d’une nation brûle autour de soi ?

Tout au long du récit, par petites touches délicates et sensibles, les rêves de Fergus portent jusqu’à nous la voix de Mel, l’enfant de la tourbe. Sa vie, sa famille, ses affections, ses tourments, l’approche de sa mort (Assassinat ? Sacrifice ? ). Ces passages forment un contrepoint mélodieux au présent de Fergus, et en sont souvent étrangement proches.

Siobhan Dowd réussit dans « La Parole de Fergus » à aborder des sujets douloureux sans jamais tomber dans un pathos réducteur, et à alterner gravité et légèreté sans aucune frivolité. Certains retournements de situation sont délicieux ; d’autres hélas, terribles. Ce roman est un plaisir rare de bout en bout, un vrai coup de cœur.

L’auteure est décédée subitement en 2007 d’un cancer du sein. Elle avait 47 ans et nous laisse quatre romans jeunesse, « une œuvre littéraire magistrale d’autant plus précieuse qu’elle fut interrompue au summum de son accomplissement », comme le dit très justement son éditeur français Gallimard.

Extraits :

Un épervier glissa dans son champ de vision en planant, porté par un courant d’air, frémissant à peine. Soudain, il piqua vers la terre et disparut de sa vue. Fergus s’allongea sur la terre humide et fraîche, à plat ventre, pour observer le monde. Derrière lui, l’herbe soupirait dans un bruit d’attente.

– Sale temps, grommela Oncle Tally. On dirait une fille qui fait la gueule parce que tu as oublié de lui téléphoner.

  7 comments for “La Parole de Fergus – Siobhan Dowd

  1. 17 août 2015 à 19 h 56 min

    Repéré depuis un siècle mais toujours pas lu. Il faut dire que j’ai encore des sujets nord-irlandais sur mes étagères…

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    • 18 août 2015 à 9 h 04 min

      Moi je l’ai découvert en début d’année à la médiathèque. Si tu as d’autres références nord-irlandaises en littérature jeunesse, je suis preneuse !

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